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Mercosur : enquête sur la viande brésilienne qui pourrait se retrouver dans nos assiettes

Mercosur : enquête sur la viande brésilienne qui pourrait se retrouver dans nos assiettes

La signature de l'accord commercial du Mercosur avec les pays de l'Union européenne reste un sujet brûlant. En visite au Brésil, Emmanuel Macron évoque des "points positifs". Vont-ils conduire à un accord ? Enquête sur l'un des produits qui pourraient se retrouver dans nos assiettes : un steak, en provenance du Brésil, qui ne ressemble pas vraiment à la viande de nos éleveurs.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Au Brésil, 35 000 animaux parqués dans des enclos, piétinant dans la poussière. Pas un brin d'herbe en vue. Ces vaches sont là pour être engraissées. Leur viande sera exportée à l'étranger. Une ferme tellement vaste qu'il faut la parcourir en voiture. "Ici, dans le premier bloc, il y a 17 rangées. Chaque rangée compte six enclos et chaque enclos 160 animaux", nous explique Arly Oliveira, l'éleveur bovin qui nous escorte.

Cette ferme est la seule à nous avoir ouvert ses portes. Le Brésil en compte des centaines comme celle-ci. Il est le premier pays exportateur de viande de bœuf. Les animaux sont nourris d'un mélange de céréales, de cannes à sucre et de levures. Ils grossissent d'un kilo et demi par jour. "Les animaux entrent à la ferme à 360 kilos. Ils restent 110 jours et ressortent à 600 kilos", détaille Arly Oliveira.

Le Brésil exporte déjà en Europe. Mais l'accord avec les pays d'Amérique du Sud, du Mercosur, en cours de discussion, prévoit une réduction des droits de douane sur la viande bovine. Cette viande brésilienne va-t-elle donc se retrouver en masse dans nos assiettes ? Pour Arly Oliveira, c'est une belle opportunité. "Nous exportons déjà vers certains pays comme la Chine, le Chili et les États-Unis. Mais le marché européen a toujours été un rêve pour le Brésil. Car il permet d'ajouter de la valeur à notre production, notamment la viande", admet-il.

L'éleveur a déjà prévu d'accueillir 15 000 vaches supplémentaires, une fois les accords signés. Et cela profitera aussi à un abattoir, qui appartient à la même entreprise que la ferme. "Ici, ce sont les bovins qui viennent d'arriver. Ils restent 24 heures dans ces enclos et demain, ils seront abattus", explique Carlos Schneidewind, directeur industriel de l'abattoir. Quelque 300 employés découpent et emballent 4 000 pièces de viande par jour. Pour espérer obtenir l'habilitation pour exporter en Europe, l'abattoir a dû se moderniser et mettre en place un système de traçabilité pour prouver l'origine de chaque animal. "Vous avez la date d'abattage, le numéro de l'eau et le numéro de l'animal. Celui-ci, c'est le 356", nous indique Carlos Schneidewind.

Pour pouvoir être exportée, la viande doit provenir d'animaux exempts de toute contamination par des produits qui seraient interdits en Europe. Or, le Brésil en utilise. Beaucoup. Notamment certains pesticides pour protéger le soja qui nourrit les bêtes. Certains antibiotiques pour traiter les animaux ou favoriser leur croissance. À chaque étape de la chaîne de production, l'éleveur doit déclarer sur l'honneur s'il a utilisé ou non ces produits. Dans les faits, il est souvent impossible de le vérifier. Selon un audit de la Commission européenne en 2024 : "Les exploitations d'élevage au Brésil ne sont pas légalement tenues de conserver des registres des traitements effectués sur les animaux et aucun contrôle n'est effectué concernant l'utilisation des médicaments vétérinaires."

Suite à cet audit, le Brésil dit avoir renforcé ses contrôles. En juin dernier, pourtant, de la viande brésilienne importée en Allemagne présentait des traces d'ivermectine, un antiparasitaire, à un taux quatre fois supérieur au seuil autorisé. Un mois plus tôt, un abattoir brésilien non autorisé à exporter en Europe a tenté d'y introduire de la viande en la camouflant sous le nom d'un autre abattoir. De quoi faire naître des craintes en France.

D'autant qu'une autre pratique courante au Brésil fait débat. La manipulation génétique. Eriklis Nogueira, est chercheur au sein de Embrapa Campo Grande, l'organisme qui a fait naître le premier veau cloné au Brésil. Ses travaux portent notamment sur les animaux génétiquement modifiés. "Vous utilisez un embryon d'une espèce, par exemple de la race Angus, vous introduisez ou vous modifiez une séquence de gènes. Pour produire, par exemple, une vache Angus avec un poil court, plus résistant à la chaleur", détaille Eriklis Nogueira.

Les animaux clonés ou génétiquement modifiés sont encore peu nombreux au Brésil. Mais la viande des veaux qu'ils mettent au monde, elle, peut être exportée en Europe. Aucune loi ne l'interdit. Un paradoxe, car ces modifications génétiques ne sont pas autorisées dans l'Union européenne, qui les juge contraires à l'éthique, même si elles ne sont pas nocives pour la santé. "Ces techniques sont sûres du point de vue de la santé humaine. Pour moi, ce sont d'abord des techniques qui viennent améliorer l'efficacité et la productivité", estime le chercheur.

L'accord avec le Mercosur prévoit l'importation en Europe de près de 100 000 tonnes de viande bovine sud-américaine.

Francetvinfo

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