Donald Trump et les États-Unis prennent le contrôle de TikTok et refourguent l’application à Oracle

Et revoilà Larry Ellison. Depuis que Donald Trump l’a sorti de sa retraite, le fondateur d’Oracle, qui concourt avec Elon Musk pour le titre de l’homme le plus riche du monde, n’a jamais été aussi médiatique. Son groupe est cette fois-ci au cœur de l’accord passé entre la Chine et les États-Unis sur l’avenir de TikTok, le réseau social le plus utilisé chez les jeunes.
C’est justement pour cette raison que Donald Trump refusait qu’un outil aussi influent soit contrôlé par des Chinois, via l’entreprise ByteDance. Depuis plusieurs mois, le locataire de la Maison-Blanche menace de couper l’application aux 170 millions d’États-Uniens qui l’utilisent régulièrement, ultimatum qu’il repousse à chaque échéance, mais il semble que, cette fois, un accord opérationnel a été trouvé avec les autorités chinoises.
Capitalistiquement, TikTok resterait détenu à 20 % par ByteDance, le reste serait possédé par un consortium mené par Oracle, qui pourrait englober entre autres le fonds Silver Lake, voire le magnat des médias, Murdoch. De la même manière, six membres du conseil d’administration sur sept seraient états-uniens.
Mais c’est surtout Oracle qui aurait la charge d’héberger les données des utilisateurs et qui paierait une licence d’utilisation de l’algorithme de recommandation de contenu de TikTok, dont la propriété resterait à l’entreprise chinoise.
C’est l’entreprise de Larry Ellison – proche soutien de Trump et dinosaure du technofascisme – qui réentraînerait cet algorithme, l’exploiterait et le surveillerait en permanence pour en contrôler le contenu, assure Bloomberg. De là à en conclure que TikTok aux États-Unis deviendra un réseau social promouvant les contenus d’extrême droite comme les autres, il n’y a qu’un pas.
Pour l’heure, les changements concernant l’hébergement des données et le contrôle de l’algorithme par Oracle ne seront obligatoires qu’aux États-Unis. Difficile d’anticiper les conséquences sur les utilisateurs français : ByteDance va-t-il trouver un intérêt à fragmenter son algorithme, et donc ses marchés ? À moins que l’Europe décide à son tour de mieux réglementer la recommandation de contenu.
Outre le fait de s’assurer une rente, un tel marché est acceptable pour la Chine puisque le TikTok occidental et son homologue chinois (Douyin) sont hermétiquement séparés depuis 2017, bien que les deux plateformes aient le même créateur, la même interface et jusqu’ici le même propriétaire.
L’État chinois avait jugé l’application trop addictive, et limité notamment le temps d’écran à quarante minutes pour les moins de 14 ans. Elle a aussi exigé une modification de l’algorithme de recommandation pour pousser plus de contenu « éducatif ».
Résultat : sur Douyin, les utilisateurs ont accès à beaucoup de tutoriels, de scènes de travail et énormément de contenu « shopping » (l’application y est devenue le 3e site du e-commerce). Mais on n’y voit beaucoup moins de défis, de playback ou de danse que sur Tiktok. Une différence qui a participé à alimenter l’image plus ou moins fantasmée de TikTok comme arme chinoise à décérébrer la jeunesse occidentale, à les faire rêver de devenir influenceur plutôt qu’ingénieur, comme une forme de revanche de la guerre de l’opium.
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