Décryptage. Guerre commerciale : Donald Trump et Xi Jinping prêts pour un fragile accord de trêve ?

Ils ne se sont plus rencontrés depuis juin 2019 et le premier mandat de Donald Trump : le président américain et son homologue chinois Xi Jinping ont rendez-vous ce jeudi, à Busan (Corée du Sud), pour une entrevue aussi attendue qu’appréhendée. Donald Trump a dit s’attendre à une « excellente rencontre » avec Xi Jinping, tandis que Pékin a promis des « échanges approfondis » sur des sujets « majeurs », laissant espérer une trêve dans la brutale guerre commerciale à laquelle se livrent les deux puissances, depuis la surenchère des droits de douane, enclenchée par Donald Trump dès le 1^er février dernier.

« La question est de savoir s’ils vont parvenir à un accord sur tous les différends commerciaux qui les opposent en ce moment et Dieu sait qu’ils sont nombreux, c’est vraiment la priorité de cette rencontre », explique Françoise Nicolas, chercheuse spécialiste de la Chine à l’Institut français des relations internationales. Elle souligne cependant « l’aspect symbolique » déjà important d’une rencontre « longtemps incertaine » entre les leaders des deux premières puissances mondiales.

« Donald Trump dira que c’est un accord fantastique »

Donald Trump et les officiels américains abordent ce rendez-vous en Corée du Sud - en marge du sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Apec) rassemblant 21 pays de la région - convaincus que Xi Jinping leur proposera des avancées sur deux dossiers qui bloquent depuis la hausse des droits de douane américains : les ventes de soja américain, et l’accès aux terres rares chinoises, essentielles pour l’industrie américaine. Les Chinois « vont vraisemblablement s’engager à acheter plus de soja aux États-Unis », présume Françoise Nicolas. Pékin devrait également repousser ses restrictions d’exportations de terres rares, qui avaient contraint Washington à renoncer à un bras de fer plus frontal. « Ils vont aussi essayer de s’accorder sur le fentanyl [opioïde particulièrement addictif, NDLR] pour qu’il y ait moins de produits envoyés au Mexique, qui arrivent ensuite jusqu’aux États-Unis. » Le tout en échange d’un freinage concret et pérenne dans les surtaxes américaines sur les produits chinois.

Si les négociateurs de Pékin et Washington assurent s’être entendus sur un « cadre » d’accord, il reste à voir si Donald Trump et Xi Jinping finaliseront effectivement une trêve dans leur guerre commerciale, qui a fait dévisser les marchés et bouleverser les chaînes de production. « Quoi qu’il arrive, Donald Trump dira que c’est très bien, que c’est un accord fantastique, avec tous les superlatifs qu’il sait utiliser. Mais la réalité, c’est que la Chine est un peu en position de force vis-à-vis des États-Unis. Le problème de Trump, c’est qu’il aboie beaucoup, mais en réalité, il mord assez peu », analyse Françoise Nicolas. « Si on regarde depuis le début de l’année et les menaces qu’il a proférées à l’encontre de la Chine, il allait mettre des droits de douane absolument diaboliques. Et puis finalement, ça a été repoussé, il y a eu des dérogations constamment. »

Taïwan et l’Ukraine en second plan

Avant la rencontre, le chef d’État américain a cependant précisé qu’il n’était « pas sûr » que la question délicate de Taïwan, île revendiquée par Pékin, soit abordée. « C’est évidemment au cœur de la relation entre la Chine et les États-Unis, ce ne sera pas ça qui sera discuté en premier lieu », estime Françoise Nicolas. « Ils vont parler commerce, et après, éventuellement, cette question va être abordée. Mais à mon avis, ce n’est pas au cœur de la problématique pour l’instant. »

La guerre en Ukraine, en revanche, devrait être au programme de la rencontre, Donald Trump ayant à plusieurs reprises fait part de sa frustration quant au soutien indirect de la Chine à la Russie. Pour ce qui est des enjeux commerciaux, une trêve mettrait un terme à la dégradation de la relation entre les deux puissances, mais elle ne marquerait certainement pas la fin de leur concurrence stratégique.