Agriculture. Censure partielle de la loi Duplomb : et maintenant, que vont faire les politiques ?

La mobilisation d’ampleur contre la loi Duplomb a été telle qu’elle dépasse l’objet même du texte. À quelques mois des municipales et à dix-huit mois de la présidentielle, le retour de la santé environnementale dans le débat n’est sans doute pas neutre.
Le feuilleton de la loi Duplomb n’est pas fini. Il ne fait que commencer. Il est en effet loin de prendre fin avec la décision du Conseil constitutionnel qui censure son article phare , qui voulait autoriser la réintroduction de trois pesticides.
Le sénateur LR de Haute-Loire, Laurent Duplomb, ancien représentant de la FNSEA, veut croire que l’adoption d’un nouveau texte est possible pour permettre l’utilisation de l’acétamipride. Dans les autres partis, personnes n’y croit, mais le débat reste vif.
« Les politiques sont pris au piège d’un texte sénatorial mal écrit. Je ne vois pas comment relancer ce texte à l’Assemblée. Le RN peut, peut-être, mais sans majorité », confie un député du bloc central.
Ce qui a changé, c’est la mobilisation citoyenne. Plus de deux millions de signatures pour une pétition lancée sur le site de l’Assemblée, c’est inédit. « Ce qui s’exprime, c’est un refus de l’empoisonnement alimentaire qui va bien au-delà de la loi Duplomb. Il y a un mouvement d’opinion profond », analyse Delphine Batho, présidente de Génération écologie et députée des Deux-Sèvres. Elle note aussi, « pour la première fois, l’entrée en mobilisation des médecins », ce qui, selon elle, a du poids.
Cette cristallisation sur les enjeux environnementaux est perçue par l’exécutif. Emmanuel Macron, très discret, reste dans son rôle et va promulguer le texte modifié par le Conseil constitutionnel. « Cette loi, c’est LR, pas nous », rappelle un membre de son camp, assez divisé sur le sujet.
Gabriel Attal, qui avait dû justifier son vote en faveur de la loi Duplomb sur les réseaux sociaux où il a été attaqué , est aussi peu loquace. Il convoite l’électorat jeune, majoritairement contre le texte. Son groupe parlementaire, EPR (Ensemble pour la république), reste en retrait et prend ses distances avec LR dont il dénonce « la contestation politicienne de nos institutions ».
Le débat qui doit avoir lieu dans l’hémicycle à la rentrée, à la suite du succès de la pétition, sera déterminant. Avant les municipales et à dix-huit mois de la présidentielle, chaque groupe sera sommé de se prononcer sur cette loi, adoptée sans débat par la chambre basse. Car désormais la loi Duplomb, par son écho dans la société, est un marqueur politique.
La droite (pour) et la gauche (contre) ont des positions claires. Le centre est plus embarrassé. François Bayrou prend des pincettes et rappelle que la loi Duplomb est une initiative parlementaire et non gouvernementale. Jamais il n’a tranché les dissensions au sein de son gouvernement entre sa ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, ardente défenseuse de la loi Duplomb, et celle en charge de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, ouvertement opposée à la réintroduction des néonicotinoïdes.
Édouard Philippe, dont la majorité des députés Horizons ont voté le texte, et qui place l’écologie et la jeunesse parmi les priorités du « projet massif » qu’il prépare pour 2027, devra composer avec une opinion publique qui au-delà des sphères habituelles, s’est emparée de la santé environnementale*. Cela sera sans doute un thème de campagne car c’est une inquiétude. Le score modeste des Ecologistes aux Européennes (5 %) l’avait sans doute masqué.
*64 % des Français sont opposés à la loi Duplomb, selon un sondage Cluster 17.
Le Bien Public